« Géographie de l’ineffable »

Extrait du texte de Léa Bismuth:
« Géographie de l’ineffable est un film mettant en tension des plans tournés dans le désert d’Atacama en 2012 et des images filmées dans le bassin minier du Nord de la France en 2020. « Aucune image ne naît dans le noir », nous dit la voix-off lors du prologue lunaire du film : une part soustraite au regard persiste, comme le chant des astres, pour des films qui ne sont jamais explicatifs, mais plutôt ouvrent des fenêtres de sens, pour des récits arpentés et ouverts. De même, la composition sonore refuse l’illustration, et la vidéaste l’explique en ces termes : « je filme en muet pour ensuite interroger le dialogue nécessaire entre image et son. Les digressions qui peuvent en résulter donnent forme à des paysages silencieux, bavards de signes qui semblent dilater l’Histoire en strates ».
Dès lors, si la ligne d’horizon du désert ne cesse d’osciller sous les brumes de chaleur, c’est pour mieux nous rappeler que l’ineffable est « ce qui ne peut être exprimé par des paroles ». Et que nous devons « réapprendre à voir », malgré les images manquantes ; et même si cela nécessite un engagement et une responsabilité. Aussi, si la jeune-femme du film trace un cercle au sol, c’est bien pour créer le site rituel à l’intérieur duquel elle pourra danser, habitant le vide en un dialogue harmonique avec le cosmos. Sa danse à elle, sur son cercle de sorcière, est celle des derviches, dont les mouvements circulaires, amplifiés par l’ampleur de leurs jupes, sont gouvernés par la force de Coriolis, force motrice à l’origine des ouragans. L’énigme du film restera entière, car il se situe à l’endroit même où la digression devient une manière de ne pas tout comprendre, d’accepter la lacune de ce qui ne peut être dit. En faisant une digression, on croit s’écarter du sujet principal, tout en étant au cœur palpitant de la question. Car il s’agit ici pour Clio Simon de réhabiliter une forme de savoir que l’on croyait perdue : le savoir des profondeurs et des nébuleuses, le savoir retrouvé de « l’harmonie des sphères » prôné par les Pythagoriciens, pour qui la géographie de l’Univers et des planètes était le fruit d’une perfection mathématique et musicale. »

Lien vers l’exposition au CRP/ https://www.crp.photo/?post_type=exposition&p=13708

SYNOPSIS:
Fr.

« De l’Amérique du Sud à l’Europe, la possibilité de dire se cherche à l’infini. Rendre visible les digressions d’histoires endormies c’est peut-être oublier la parole, partir en quête de sens, réunir les apories, tracer des lignes. Ce film est l’histoire de paysages  qui portent le poids de réalités atmosphériques. Là où l’on se demande si c’est la fin ou le début d’un monde, il y a le hors champs des profondeurs et des nébuleuses. » Clio Simon

En.

From Southern America to Europe, the opportunity to say seeks itself endlessly. Showing history’s digressions, questing sens, bringing aporias together, drawing lines is able to make us forget the speech. This film tells us atmospheric realities holded by landscapes. Where it looks like the end or the beginning of a world, there are Deepnesses and Nebulae’s off fields.»

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